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mardi 22 juillet 2014

Malte, l’île aux décors ANNE-CLAIRE GENTHIALON



Malte, l’île aux décors



ARTICLE PARU DANS " LIBERATION", ANNE-CLAIRE GENTHIALON 18 JUILLET 2014 À 18:56 L'”Ile de Malte est souvent choisie pour le tournage de gros blockbusters. (Photo Jean-Michel Sicot)


BOBINES
Sa lumière, ses couleurs, ses mille visages ont attiré les grands réalisateurs d’Hollywood. Marqué par une histoire tumultueuse, l’archipel méditerranéen expose peu ce nouveau patrimoine.





C’est une île pleine de fantômes. Où se croisent, pêle-mêle, le comte de Monte-Cristo, des espions du Mossad ou des gladiateurs. Un endroit à part où l’on rencontre Popeye, le capitaine Nemo, Hélène de Troie et des zombies. C’est un drôle de caillou paumé au milieu de la Méditerranée, qui sert de décor à tous les blockbusters du cinéma mondial.


A Malte, on aime les histoires. Les grandes, les héroïques, les mythiques. Celle du grand siège de 1565, au cours duquel les chevaliers de l’ordre de Saint-Jean ont tenu tête, des mois durant, aux Ottomans. Celle du naufrage de l’apôtre saint Paul sur l’une de ses plages, qui convertit ce rocher au christianisme. La légende qui veut que Gozo, l’une des trois îles de l’archipel, serait la mythique Ogygie où Calypso a retenu Ulysse prisonnier. On aime aussi raconter que le plus petit pays de l’Europe est le «Hollywood de la Méditerranée». Où se pressent, sur ses 316 kilomètres carrés, réalisateurs et acteurs du monde entier.


C’est ici, entre la Sicile et la Tunisie, que Ridley Scott a tourné Gladiator. Que Steven Spielberg a filmé Munich. Là encore que King’s Landing et le pays des Dothrakis, de la série télévisée Game of Thrones, se sont matérialisés. Que Tom Hanks en capitaine Phillips a bu la tasse. Et que, récemment, Angelina Jolie a fait les repérages pour son prochain long métrage. Du Da Vinci Code à Largo Winch en passant parl’Espion qui m’aimait ou les 1001 Nuits… Certains passionnés se sont amusés à les décompter : plus de 200 films y ont été tournés.


La raison ? Peut-être cette lumière, si particulière, qui attirerait ici les caméras depuis 1925. La façon dont le soleil brûle la garrigue des campagnes, mais épargne les figuiers de Barbarie. Et colore, du doré au rosé, la globigérine, cette pierre calcaire qui sert à la construction depuis des millénaires des forteresses et des 300 églises que compte l’île.


La capitale de Malte, La Valette, a été mise en scène pour des films comme «World War Z» ou «Midnight Express». Photo Jean-Michel Sicot


Fables. Les paysages, spectaculaires, font aussi cavaler l’imaginaire. On projette volontiers des fables romantiques dans les ruelles entrelacées et les palais baroques de Mdina, l’ancienne capitale. On rêvasse à des histoires de pirates face aux eaux turquoise du Blue Lagoon de l’île de Comino et aux falaises déchiquetées de Dingli qui tombent à pic dans la Méditerranée. Dans le port de Marsaxlokk, on se brode des épopées de marins échoués, à la vue des luzzus, ces bateaux peints en jaune, rouge, vert et bleu, qui portent sur leur proue un œil censé les protéger. Même les stations balnéaires bétonnées du nord inspirent des histoires d’agents secrets.


Tous les lieux emblématiques de Malte ont été exploités sur la pellicule. Même le palais Saint-Antoine, la résidence présidentielle, a été utilisé. Mais, si on emprunte volontiers ses décors, l’intrigue des films, elle, ne se passe jamais sur l’archipel. La plage de Golden Bay, une des rares de sable, qui a vu débarquer Brad Pitt en Achille, se transforme en Troie antique. Les Trois Cités (nom générique donné aux villes de Vittoriosa, Cospicua, et Sanglea, plus connues sous leurs anciens noms de Birgu, Bormla et L-Isla) deviennent le Liban dans Munich quand l’Azure Window à Gozo, une arche naturelle de calcaire surplombant la mer, se mue en porte de l’enfer où Persée décapite la Gorgone Méduse.


Fantasme. Si l’île sait aussi bien s’adapter aux exigences des réalisateurs, si elle arrive ainsi à se fondre dans l’ambiance, c’est qu’elle a de l’expérience. Au carrefour de la Méditerranée, souvent disputée pour sa position géographique stratégique, Malte en a vu passer. Un temps phénicienne. Un temps romaine. Puis arabe, espagnole, anglaise et même française : elle a conservé un peu de ses nombreuses influences dans sa palette de jeu. Les voitures qui roulent à gauche et les cabines téléphoniques rouges, reliquats de son appartenance, pas si ancienne, à la couronne britannique. Les auberges des chevaliers de l’ordre de Saint-Jean qui portent encore des noms français. Et sur les places des villages, entre les terrasses des cafés du Parti travailliste et du Parti nationaliste, on s’invective, façon Don Camillo, en maltais, une langue issue de l’arabe aux sonorités italiennes.


Dans ces multiples rôles de composition, c’est sa capitale, La Valette, la plus grande des interprètes. Le cinéphile le plus averti aurait du mal à la reconnaître assaillie de zombies dans World War Z ; à identifier son marché couvert dans les courses-poursuites de Midnight Express et dans le fort Saint-Elme qui veille sur l’entrée de la ville, sa terrible prison ; à deviner ses fortifications dans Alexandre d’Oliver Stone. On la prend pour Marseille, Beyrouth, Jérusalem… Il faut dire qu’écrasée sous le soleil, avec ses ruelles étroites épousant les vallons, ses balcons en bois fermés, son linge suspendu aux fenêtres, elle incarne à merveille le fantasme de la ville méditerranéenne.


Le fim «Popeye», avec Robin Willimas, a été tourné par Robert Altman à Malte en 1980. Les décors du film ont été transofrmés en parc d'attraction dans le nord de l'île, mais il peine à attirer les foules. Photo Jean-Michel Sicot


Bruyante, avec son terminal de bus à ses portes et son concert de klaxons. Et tellement concentrée, ramassée, qu’elle donne l’impression d’abriter des millions d’habitants. Changement de rôle le soir, quand elle se vide des touristes. Que les fonctionnaires et les - très - nombreux avocats la désertent pour Saint Julian’s et ses bars. Laissant l’obscurité s’emparer de ses jardins et de ses fortifications, la rendant mystérieuse, presque inquiétante avec, en bande-son, les sirènes des cargos qui résonnent dans son grand port.


Drakkars. Peut-être un peu froissée, Malte conserve très peu de souvenirs de ses nombreuses figurations. A peine au détour de Saint-Paul Street, une des rues principales de La Valette, tombe-t-on sur l’échoppe d’un tanneur qui expose en vitrine un mannequin portant un costume de gladiateur. Les studios de cinéma sont fermés, comme cachés aux yeux du public. On distingue de la mer quelques drakkars, des jonques et pirogues fatiguées, qui prennent le vent et le sel dans les Mediterranean Film Studios où se jouent tempêtes, batailles navales et accidents de sous-marins dans d’immenses bassins. Pas loin, dans le fort Ricasoli, ancienne fortification des chevaliers de l’ordre, l’immense plateau de cinéma sauvage où a été reconstitué le Colisée conserve quelques reliques, comme ces chars romains des péplums.


Dans le passé, quelques parcs à thème ont bien tenté de se lancer. Subsiste encore dans le nord de l’île le décor de Popeye, monumental nanar de Robert Altman dans lequel Robin Williams interprète le marin amateur d’épinards. Un peu pathétique, avec ses mannequins défraîchis et ses concours de Bingo animés par une Olive blonde platine, il peine à attirer les foules. Comme si les lieux de tournages devaient rester hors champ.


Le Colisée avait été reconstitué pour un trounage au fort Ricasoli, ancienne fortification des chevaliers de l'ordre. Des restes de ce tournage sont encore visibles. Photo Jean-Michel Sicot

PRATIQUE

Y ALLER
A trois heures de Paris en avion, Malte est desservie par des vols directs (Air France, Air Malta, EasyJet…). On peut également y venir en ferry depuis la Sicile.

Y DORMIR
Si les grands complexes hôteliers ont essaimé partout sur l’île, il y a peu d’hôtels dans les villes les plus anciennes. Des maisons maltaises et des palais ont été reconvertis en guesthouse et B&B. Sur l’île de Gozo, il est possible de louer des farmhouses, fermes du XVIIIe siècle. La plupart possèdent une piscine.
A GRIGNOTER
A tester absolument, les pastizzi, ces feuilletés fourrés à la ricotta ou à la purée de petits pois qui se mangent encore chauds, vendus pour quelques centimes d’euros dans des pastizzerias.
SE DÉPLACER
Les bus desservent toute l’île. Pratique : le départ et l’arrivée de toutes les lignes sont à La Valette, autour de la fontaine des Tritons. Une voiture de location peut être bien utile : selon la circulation, on peut faire le tour de l’île en une heure et la mettre sur le ferry pour se rendre à Gozo.

Anne-Claire GENTHIALON

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