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lundi 27 octobre 2014

Le brame du cerf

Pour les naïfs qui pensent encore que le cerf, c'est le "gentil Bambi" de Walt Disney, quelques images de la rencontre de deux mâles qui se disputent la possession des biches de la harde !

Ici, pas de quartier : c'est la loi du plus fort qui s'impose, même si elle doit se solder par le décès de l'adversaire, après un combat spectaculaire et sans merci ! L'homme, ici, n'a ni sa place ni sa dimension : comme le dit un vieux dicton de chasse : "au sanglier le barbier (cad le chirurgien), au cerf la bière (cad le cerceuil !) Un cerf qui charge un homme revient sur lui jusqu'à ce qu'il l'ait littéralement mis en pièces ! Le sanglier, lui, ne charge que pour fuir.... Je me souviens de l'histoire de deux gardes forestiers, dans les forêts de Herbeumont, qui s'étaient fait charger par un cerf en rut : l'un d'ex est mort, massacré dans le treillis qui clôturait la parcelle. L'autre n'a survécu qu'en grimpant dans un arbre. Il a été témoin de toute la scène. Après avoir tué son collègue, le cerf revenait vers lui, perché hors de portée de ses andouillers. A plusieurs reprises, et à de longues minutes d'intervalle, il est revenu vers lui, toujours en fureur ! Ce garde, "échappé", lorsqu'il racontait son histoire, en tremblait encore et disait faire régulièrement des cauchemars !



Enfant, vers l'âge de dix ans, mon père m'a emmené en Forêt des Amerois, entre Herbeumont et Bouillon, en Ardenne belge, pour écouter le brâme du cerf : c'est hallucinant, lugubre, effrayant !



Plus tard, vers l'âge de 20 ans, j'ai tenu en joue, vers la mi août, un grand cerf portant seize cors, qui "encensait" devant moi, à moins de trente mètres, manifestant sa colère et son désir de me charger. C'était à la fin du "Pirsch", la chasse à l'approche du chevreuil mâle, un autre cervidé, plus petit. Je me souviens encore de la scène, et de mon doigt crispé sur le détente de ma 7x64... Heureusement pour lui, il a changé d'avis et préféré disparaître dans une haute sapinière... Il a été abattu, plus tard, lors d'une battue dans la Forêt des Epioux....

Grand gibier des Forêts de l'Ardenne Belge

Grand gibier des Forêts de l'Ardenne Belge




Photos (c) Iaacov Demarque
All rights reserved

Puisque voici revenue la saison, le chasseur que je fus et qui le reste dans l'âme ne résiste pas à vous livrer quelques photos des rois des Forêts de Belgique, prises il y a une dizaine d'années, en Foret de Saint Hubert, au coeur de notre vieille Ardenne Belge.

Voici qui fera rêver, sans doute, bien de mes amis chasseurs maltais !

Voici aussi revenir pour moi, avec la Saint-Hubert toute proche (le 03 novembre ), le temps des souvenirs et d'une nostalgie certaine de l'époque où, armé d'une carabine 7x64 BSA ou d'un fusil de chasse juxtaposé "Merkel", calibre 16, je me faufilais sans bruit dans les futaies humides, en bordure des gagnages, ou dans les hêtrées de notre territoire de chasse, modeste sans doute, mais qui me semble aujourd'hui immense, à moi qui habite désormais une île aride qui en surface n'en représente que les deux tiers ! Et que dire aussi des dizaines de milliers d'hectares des forêts ardennaises de Belgique, face aux quelques 350 hectares de l'Archipel Maltais ? Comme quoi si nous, Belges, avions l'impression de ne posséder que de minuscules forêts face à l'ensemble de celles de France, d'Allemagne ou de Pologne,tout est vraiment très relatif !

Ce matin, ici à Msida, il a plu, pour la première fois depuis longtemps, et j'ai pu humer, dans la fraîcheur matinale les senteurs évocatrices de la terre humide. Pour un peu, fermant les yeux, je me serais senti transporté, des années en arrière, dans la forêt profonde de mes "exploits cynégétiques" !

J'aimerais beaucoup, pour la Saint Hubert prochaine, cuisiner à nouveau du cerf, du chevreuil ou du sanglier, et en faire goûter les saveurs à Joséphine qui ne connaît guère, en matière de gibier, que le goût du lapin, ou celui de faisans hélas très peu sauvages !

La chasse, à Malte, si elle est et reste un "sport national" pose de graves problèmes : le chasseur maltais est très peu respectueux du gibier et a la fâcheuse tendance de tirer sur tout ce qui vole, y compris sur des oiseaux protégés, ou des groupes d'oiseaux en migration ! A mes yeux de chasseur, c'est inadmissible et scandaleux, et même si je n'apprécie guerre la tendance des Autorités maltaises à mettre sur le même plan des tueurs d'hommes, des violeurs et de simple braconniers, je me dis que c'est finalement ici, la seule solution pour mettre fin à un massacre qui depuis des lustres a décimé la quasi totalité de la faune sauvage maltaise. Même le simple lapin est devenu rare ! Mais dans son cas particulier, la myxomatose y est pour beaucoup, et sa raréfaction est finalement au bénéfice des îles maltaises, qu'il a lui-même saccagées lorsqu'il pullulait, dévorant la moindre végétation. Le chasseur maltais n'est pas non plus respectueux de l'environnement : en témoignent les centaines de douilles de fusils de chasse qui jonchent les champs et les chemins de campagne, comme les amoncellements de bouteilles vides aux abords des postes de chasse... Sans compter le danger d'une chasse anarchique pour les humains : tout petit, mon père m'avait déjà fait comprendre que porter un fusil, c'est une responsabilité.

Je pense qu'aucun gouvernement ne parviendra à solutionner le problème de la chasse à Malte : l'interdire provoquerait des émeutes, le Maltais est chasseur dans le sang ! Il faudrait la réglementer, la soumettre à l'obtention d'un permis, après avoir été éduqué qu respect de la nature, et avoir passé des examens souvent très pointus, comme c'est actuellement le cas en Belgique, et comme ce le fut toujours en Allemagne. Mais la mentalité maltaise ne se prête guère à cela.....

N'empêche, je salue autant les tentatives en ce sens, menées par quelques politiciens maltais, que je méprise les gens qui abondent dans le sens d'une suppression radicale de la chasse, au nom d'un anthropomorphisme débile qui ne démontre que leur manque de connaissances d'une nature qu'ils prétendent défendre : si l'extermination aveugle de certaines espèces est un véritable drame pour la nature, la prolifération anarchique de certaines autres aboutit au même résultat !


Un beau brocart six pointes, en pleine force de l'âge : un animal à abattre, avant qu'il ne "ravale" et ne mette, par dégénérescence, en péril sa lignée...



La harde au repos. A l'arrière, sur la droite, un daguet ....


Bambi....





Le même daguet que plus haut, avec deux "vieux dix cors", qui portent quatorze et seize !












Le rut est encore loin mais déjà l'on s'affronte = Le vieux dix a pour lui sa force et son expérience. Le daguet, s'il en est encore dépourvu, a pour lui l'efficacité redoutable de ses "dagues". Encore que celui-ci ne soit pas aussi dangereux que certains, étant donné l'incurvation rentrante des dites "dagues"

Il m'a senti..... C'est un beau Daim...

Les Maîtres du gagnage !


Lui aussi, il m'a senti... Deux ou trois mois plus tard, en période de brâme, je jouerais ma vie !

Quatorze !!! Encore un an ou deux, et il faudra le tirer...









La Perle du Val d'Or.

La Perle du Val d'or


Photos (c) Iaacov Demarque
All rights reserved.


En fouillant de vieux CD de photos, j'ai notamment retrouvé toute une série de clichés pris il y a aujourd'hui plus de dix ans à l'Abbaye d'Orval, au coeur de la Gaume, au Sud de la Belgique. Je ne résiste pas à la joie de vous partager cette re-découverte d'un lieu qui me fut et me reste cher !

Mon enfance fut marquée par les longues vacances d'été, de Noël et de Pâques passées avec mes parents dans leur petite maison de Herbeumont sur Semois, un typique village ardennais situé à 25 kilomètres de la grande Abbaye. Mon père, professeur notamment d'histoire de l'art chérissait particulièrement ce monastère dont il connaissait l'histoire sur le bout des doigts.

Le dimanche, très souvent, il nous emmenait à la Messe, ma mère et moi, dans la majestueuse Abbatiale de l'Abbaye, ou, parfois, dans la chapelle saint Bernard, plus petite et plus facile à chauffer durant les rigoureux hivers ardennais.
Vue sur la Cour d'Honneur

La grande vierge de la façade de l'Abbatiale

Le Christ, dans le choeur de l'Abbatiale

Fontaine de la cour de la Porterie, détail

Un magnifique "Chemin de Croix"

Le déambulatoire de l'Abbatiale

Le grand vitrail du Choeur


Rien qu'à l'écriture de ces lignes, une foule de souvenirs heureux reviennent à ma mémoire, un des plus ancien étant le plaisir que j'avais, enfant, à m'asseoir sur les genoux du vieux moine portier et de ... lui tirer la barbe !  Ou encore, de passer de longs moment, émerveillé, à regarder les diapositives en stéréochromie  relatant la vie des moines, sur de vieilles visionneuses en bois, munies d'un gros bouton noir, en bakélite, qu'on tournait pour faire défiler les clichés.

Après avoir dégusté une savoureuse omelette au jambon d’Ardenne et au fromage de l'abbaye, nous rentrions à Herbeumont avec une provision d'un pain savoureux et complet, pétrit et cuit par les moines, de l'excellent fromage entièrement fabriqué au monastère, qui possédait encore son propre troupeau de vaches et, bien sûr avec un bac de leur délicieuse bière trappiste, ainsi que quelques bouteilles de la bière brassée seulement pour l'usage du monastère, une bière de table légère et rafraîchissante dont j'avais droit à un verre, le dimanche à l'apéritif. Je devais avoir cinq ou six ans.

Lorsque j'eus 7 ans, je pus assister pour la première fois à la grande veillée de la nuit de Pâques, qui débutait par le rite du feu nouveau, autour d'un grand brasier allumé de nuit dans la grande et belle cours d'honneur, sur le parvis de l'Abbatiale. Cela commençait peu avant minuit, pour se terminer vers six heures du matin, aux premières lueurs de l'aube, dans un froid piquant et vivifiant, au son joyeux des cloches qui sonnaient à tout rompre ! Pour l'enfant que j'étais, ce fut une expérience inoubliable !

Plus tard, jeune chef de Troupe de la Fédération des Scouts d'Europe, j'y organisai plusieurs camps d'été, au cours desquels je me liai d'amitié avec le Père Alain, alors aumônier des Scouts, et ensuite avec le frère Paul qui lui succéda, un géant débonnaire, doté de solides connaissances, docteur en théologie et ingénieur des eaux et forêts, qui avait en charge l'exploitation de la grande forêt de l'Abbaye, ainsi que celle de la fromagerie, encore très artisanale à l'époque.

Gaël, jouant avec le Mikado géant de Frère Paul

Marjolaine et Frère Paul

Gaël fait du ménage au chalet

Départ pour le travail en forêt, avec Frère Paul


Mes catéchumènes, autour du grand chêne

Cette amitié ne faillit jamais et, lorsque des années après je devins moi-même théologien et Pasteur protestant, j'y organisai plusieurs retraite, avec des paroissiens et des catéchumènes.

Durant cette période de ma vie, qui dura près de quinze ans, nous prîmes l'habitude, avec ma première épouse et mes enfants, de passer à Orval nos vacances d'été, ainsi que celles de la semaine entre Noël et le Nouvel-an. Nous logions dans le "chalet" et, toujours, à notre arrivée, la cuisine était pourvue d'un ou deux bacs de trappiste, de pain et d'un kilo de fromage. Ces vacances étaient pour nous une douce pause et un ressourcement, un temps "hors du temps" que nous vivions, ma famille et moi, au rythme de l'Abbaye.

Dispensés de clôture, nous avions nos entrées au cœur de l'Abbaye : nous allions nager dans les eaux glaciales de l'Étang Noir, les enfants et moi allions travailler avec frère Paul, qui nous emmenait, à toute vitesse dans sa Jeep, en forêt ou dans le grand jardin, derrière le monastère. Souvent il m'arrivait de me lever à l'aube, pour aller chanter les Psaumes, à l'office du matin, et il n'était guère de journées que nous ne clôturions sans assister à l'office de Complies, qui nous laissait pour la nuit dans une paix indicible. Pasteur protestant, ma famille et moi étions cependant accueillis, selon la règle de Saint Benoît, "comme le Christ", et
il est arrivé plusieurs fois qu'ils servent la Messe ! J'eus même l'honneur, lors d'une retraite que j'avais organisée avec des paroissien, de prendre la parole, lors d'un Chapitre matinal, où je fus assailli de questions par les moines, intéressés par ce Pasteur Protestant qui venait si souvent les visiter. Et plusieurs fois, lors de camps avec des jeunes de ma paroisse, j'eus l'autorisation de célébrer la Sainte Cène dans la Chapelle des Scouts, qui surplombe la Cour d'Honneur. L'ouverture d'esprit de cette communauté Cistercienne était étonnante, et je prends sa mesure au contraste que je rencontre ici, avec une Eglise catholique Maltaise vraiment rétrograde et intégriste !
C'était il y a dix ans déjà...

Ludivine au jardin

repiquage des salades au potager

Notre chien Théo =

La porterie : carte postale des années '30


Vierge de la Porterie

"Tous les visiteurs seront acceuillis comme le Christ !" (Règle de St Benoît)

Lors du décès de Gaël, notre fils, que les moines connaissaient bien, nous avons vraiment été soutenus par l'Abbaye et avons pu prendre aussi la mesure d'une réelle compassion, humaine, au delà des étiquettes religieuses.

Puis, les événements de la Vie ont fait que j'ai peu à peu perdu le contact avec l'Abbaye, qui reste cependant chère à mon coeur comme le restent aussi les Frères...

Je reproduis ci dessous un résumé de l'Histoire de l'Abbaye, copié sur le site d'Orval, que j'agrémente de quelques unes de mes photos retrouvées. Bonne lecture et découverte !

Une longue histoire...


L'abbaye Notre Dame d'Orval est le fruit d'une longue histoire. Il y a 165 millions d'années, lorsque la mer recouvrait encore nos régions, au fond des eaux se formait déjà la pierre de teinte ocre jaune, dite pierre de France, qui servirait pour la construction du monastère. Il y a quinze mille ans, sous l'effet de la dernière glaciation, se creusait le vallon destiné à accueillir l'abbaye en son sein.

Trois mille ans plus tard, les premiers arbres y apparaissaient, pins sylvestres, bouleaux, puis hêtres: toute une forêt que l'homme commença à défricher entre 1800 et 1200 avant l'ère chrétienne. Y a-t-il eu sur ce site quelque habitat humain, un village, avant l'établissement des moines ? Rien ne le prouve dans l'état actuel de nos connaissances. On n'a retrouvé que des tombes mérovingiennes, aux abords de la source.

Les premiers moines à s'installer à Orval arrivèrent du sud de l'ltalie en 1070. Le seigneur de l'endroit, le comte Arnould de Chiny, les accueillit et leur donna des terres prélevées sur son domaine. L'église et les bâtiments conventuels furent aussitôt mis en chantier. Pour des motifs que nous ignorons, ces pionniers se retirèrent après une quarantaine d'années. Othon, fils d'Arnould, les remplaça alors par une petite communauté de chanoines qui put mener à bonne fin les constructions entreprises par leurs prédécesseurs; en 1124, I'église achevée était consacrée par Henri de Winton, évêque de Verdun. Mais les chanoines connurent bientôt des difficultés d'ordre économique. Ce qui les poussa à solliciter leur rattachement à l'Ordre de Cîteaux, alors en pleine expansion. Leur demande fut transmise à saint Bernard, qui accepta, et confia la reprise d'Orval à l'aînée de ses maisons-filles, l'abbaye de Trois-Fontaines en Champagne.

Le 9 mars 1132, sept moines cisterciens arrivèrent à Orval, avec à leur tête Constantin. Moines et chanoines s'unirent en une seule communauté, et s'employèrent aussitôt à adapter les bâtiments aux usages cisterciens. La nouvelle église fut achevée avant 1200.

Les cisterciens veillèrent aussi à créer un domaine agricole et forestier, dont l'exploitation leur permettrait de vivre selon leurs observances. Les terres qui entourent immédiatement le monastère sont pauvres et ne conviennent pas à la culture. Dès 1132, les religieux reçurent un petit domaine à une vingtaine de kilomètres de chez eux, à proximité de Carignan ; ce devait être le noyau de leur plus belle "grange", celle de Blanchampagne. Au cours des années qui suivirent, ils reçurent d'autres terres en donation. Parmi elles, il convient de mentionner le groupe de Buré-Villancy, en Meurthe-et-Moselle, qui sera le centre de l'industrie du fer des moines d'Orval.

Durant cinq siècles, Orval ne connut qu'une existence effacée, semblable à celle de beaucoup de monastères de l'Ordre. Pendant le 12e siècle, I'abbaye paraît avoir été prospère ; dès le milieu du siècle suivant, les calamités seront souvent son lot pour de longues périodes. Elle fut ravagée vers 1252 par un incendie dont les conséquences pesèrent sur la communauté pendant près d'un siècle. Certains bâtiments durent être entièrement reconstruits. La misère fut même un moment si grave que les autorités de l'Ordre de Cîteaux allèrent jusqu'à envisager la suppression du monastère.


Ferveur et anéantissement 1533 à 1793


Au cours des 15e et 16e siècles les guerres entre la France et la Bourgogne, puis entre la France et l'Espagne exercèrent leurs ravages dans tout le Luxembourg, et Orval ne fut pas épargné. Dans ce contexte difficile, l'empereur Charles Quint témoignait de sa bien veillance en autorisant l'établissement d'une forge sur le territoire même de l'abbaye. Il faut aussi placer dans ce cadre la reconstruction, au début du 16e siècle, de la nef de l'église qui menaçait ruine. La dédicace eut lieu en 1533. On sait qu'en cette année-là, la communauté comptait 24 religieux.


Tandis que le 17e siècle fut un siècle de malheur pour les Pays-Bas, l'abbaye d'Orval devait pourtant y atteindre l'apogée de son essor. Deux abbés acquirent un renom dans l'Ordre tout entier. Le premier, Bernard de Montgaillard, un méridional, réussit, malgré les résistances de la communauté, à se faire désigner comme abbé d'Orval par les archiducs Albert et Isabelle (1605). Dès ce moment il se donna entièrement à ses moines qui finirent par s'attacher beaucoup à lui. Il rétablit l'économie du monastère et restaura les bâtiments. Mais surtout, il fut un précurseur, en octroyant à sa communauté des constitutions de réforme qui provoquèrent un regain de ferveur. Les recrues affluèrent. En 1619, la communauté comptait 43 membres : 27 moines profès, 8 convers et 8 novices.

Peu après Bernard de Montgaillard, une nouvelle catastrophe s'abattit sur l'abbaye : durant le mois d'août 1637, au plus fort de la guerre de Trente Ans, les troupes du maréchal de Châtillon pillèrent et incendièrent complètement le monastère et ses dépendances. La reconstruction se poursuivit dans un climat d'insécurité jusqu'à la fin du siècle.

De 1668 à 1707,l'abbaye d'Orval eut à sa tête un autre grand abbé, Charles de Bentzeradt, originaire d'Echternach (Luxembourg). Cet homme austère fut avant tout un réformateur : en s'inspirant de ce qu'avait fait l'abbé de Rancé à l'abbaye de la Trappe, en Normandie, il établit la "Stricte Observance" dans son propre monastère. Il reçut de nombreux novices, ce qui lui permit de fonder, en 1701,1'abbaye de Dusselthal, près de Dusseldorf, et d'ériger en prieuré la maison de Conques, sur la Semois. Après sa mort, les moines d'Orval repeuplèrent et réformèrent l'abbaye de Beaupré en Lorraine. En 1723, la communauté comptait 130 membres, elle était "la plus nombreuse de tout l'Empire".

Malheureusement, le jansénisme s'était infiltré dans la communauté ; la crise éclata en 1725. Une quinzaine de religieux préférèrent quitter le monastère ; ils allèrent fonder près d'Utrecht la maison de Rhijnwijk.
La prospérité matérielle allait de pair avec la ferveur : le domaine agricole et industriel des moines ne cessait de s'accroître; de la fin du 17è siècle au milieu du 18è, les forges d'Orval étaient à la tête de l'industrie sidérurgique occidentale.

À partir de 1760, les ressources furent principalement consacrées à la construction d'un nouveau monastère dont les plans furent dessinés par le célèbre architecte Laurent Benoît Dewez. La nouvelle église fut consacrée en 1782, puis les travaux ralentirent et s'arrêtèrent, faute de revenus.

En 1789 éclatait en France la grande Révolution. Orval se vit aussitôt confisquer tous ses biens situés au-delà de la frontière. L'abbaye connut diverses alertes plus ou moins graves jusqu'au jour décisif du 23 juin 1793, lorsque les troupes révolutionnaires conduites par le général Loison portèrent le pillage et le feu dans les murs de l'abbaye. Tout fut anéanti. La communauté se retira dans son refuge de Luxembourg puis au prieuré de Conques. Le 7 novembre 1796, elle fut officiellement supprimée et ses membres dispersés. Pendant plus d'un siècle, les murs calcinés d'Orval devinrent la proie des intempéries, des chercheurs de pierres et de trésors.


Bernard de Montgaillard : Le second fondateur d'Orval.


Bernard de Percin de Montgaillard (1605-1628) sera le plus illustre des abbés d'OrvalEn 1605, par une dérogation unique dans l'histoire d'Orval, l'archiduc Albert choisit le nouvel abbé en dehors du monastère. Ancien feuillant originaire de Gascogne, prédicateur du roi Henri III à Paris, puis fougeux ligueur, devenu par la suite prédicateur des Archiducs à Bruxelles et prélat à Nizelles, Montgaillard réussit à se faire donner la crosse d'Orval malgré l'opposition des religieux. Se voyant refuser l'entrée, il revient avec main-forte et commissaires qui le mettent en possession du monastère au nom de l'archiduc malgré les pretestations de la communauté. Celle-ci compte alors vingt profès.

Personnalité exceptionnelle, Montagaillard gagne peu à peu l'estime et la confiance des moines. Administrateur modèle, il redresse et accroît le temporel, reconstruit censes et moulins, restaure les bâtiments conventuels et surtout, il rétablit la discipline monastique. Dans tout les domaines, il déploie une activité incroyable et imprime à l'abbaye une vie qu'elle n'a jamais connue, ce qui luivaut, dès sa mort, le titre de "second fondateur d'Orval".

Résurrection


En 1926, la famille de Harenne offre les ruines d'Orval et les terres avoisinantes à l'Ordre de Cîteaux, pour que la vie monastique y soit restaurée.

Dom Jean-Baptiste Chautard, abbé du monastère de Sept-Fons (dans l'Allier), accepte la responsabilité de la fondation, et envoie à Orval un groupe de moines, noyau de la nouvelle communauté.

L'oeuvre gigantesque de la reconstruction est entreprise par Dom Marie-Albert van der Cruyssen, un Gantois, moine de l'abbaye de la Trappe. Très vite, un nouveau monastère, construit selon les plans de l'architecte Henry Vaes, s'élève sur les fondations mêmes du monastère du 18e siècle. En 1936, Orval devient autonome et Dom Marie-Albert en est élu abbé.

En 1948, la reconstruction s'achève ; le 8 septembre a lieu la consécration solennelle de l'église. Peu après, Dom Marie-Albert démissionne de sa charge abbatiale. Sa mission est accomplie. Il meurt en 1955. Avec lui se termine la page la plus récente de l'histoire d'Orval. Les années qui suivent appartiennent à l'actualité.