Back to the past !
Une excursion à Qrendi.
Par Iaacov et Joséphine Busuttil-Demarque.
Photos (c) Iaacov Demarque 2014-Tous droits réservés.
Ce samedi 25 octobre au matin, nous nous sommes levés tôt, Joséphine et moi, pour nous rendre à Qrendi, le lieu d'origine des Farrugia, du moins de ceux de la branche desquels était issue sa maman, Agnès.
Nous avons deux rendez-vous à ne pas manquer : le premier avec le Kappillan et son Secrétaire, pour compulser les archives paroissiales, le second avec un responsable communal qui doit nous ouvrir la porte de la maison ancestrale, sise face à l'église, la ferme des Farrugia, qui fut un des refuges de bonheur de Joséphine et de ses soeurs. Jo n'a plus vu cette maison depuis de nombreuses années, mais elle en garde des souvenirs parmis les plus joyeux qui ont contribué à adoucir quelque peu une enfance, puis une vie des plus difficiles.
Après avoir doté notre Dundee d'un gros os à ronger, nous prenons la route, dans notre vieille Marutti...
Oh, ce n'est pas bien loin : à Malte, tout est proche ! Mais ici, le moindre trajet, lorsqu'on ne connaît pas bien la route, peut s'avérer très long : pas ou très peu de panneaux de signalisation, des routes dans un état parfois effroyable, beaucoup de trafic et des maltais qui doivent avoir trouvé leur permis de conduire dans une pochette surprise ! Jo qui hésite sur le trajet, tente de m'aider en m'indiquant, souvent au dernier moment, la route à prendre et qui parfois s'avère n"être pas la bonne ou se terminer dans un cul de sac, non signalé bien sûr, comme ne le sont pas non plus les nombreux "casse-vitesse" hors gabarit qui doivent sans doute avoir été placé par une usine d’amortisseurs ! Heureusement, le petit moteur de la Marutti commence à s'habituer à ma conduite "à la Belge", et répond avec une docilité et une souplesse extraordinaire aux sollicitations de mon pied droit !
Bref, nous finissons par arriver à Qrendi, à une demi-heure de la fermeture des bureaux paroissiaux !
Ca va être court pour consulter les registres !
Mais le calme inhérent à ce petit village de la campagne maltaise, qui semble vivre hors du temps a tôt fait de nous gagner !
Nous sommes reçus par un jeune et sympathique Kappillan, qui nous remet aux bons soins de son secrétaire, Anthony Bezzina. Sympathique lui aussi, affable et compétent ! Il connaît de toute évidence les arcanes de la généalogie, et possède d'une manière extraordinaire la connaissance parfaite de ses archives !
Il a tôt fait de retrouver certains Actes qui concernent la famille de Joséphine et déjà, des questions trouvent leurs réponses, au travers de dates ignorées, comme de prénoms multiples dont ma Jo ignorait tout.
Il nous permet de faire des photographies des premiers actes originaux découverts, et surtout, me propose de continuer cette recherche plus avant, par échange de documents par Email ! Il a, en effet, scanné la quasi-totalité des Actes de la Paroisse, et me propose de nous transmettre tous les scans qui concernent la famille de Jo !
Bref, superbe nouvelle, inattendue aussi lorsqu'on sait à quel point certaines recherches généalogiques peuvent parfois être grevées du poids d'un fonctionnarisme aussi inerte qu'imbécile !
Je ne manquerai pas de transmettre mes impressions plus que positives, sur différents sites concernés.
Ensuite vient pour ma Jo le moment tellement attendu : celui de l'ouverture de la porte de la ferme de ses grands parents maternels ! J'avoue que, m'étant pris au jeu de la rédaction des données généalogiques de sa famille (qui est aussi la mienne, désormais !) et de l'écriture "à deux mains" d'un roman la concernant, que j'éprouve moi-même une grande émotion, un peu comme s'il m'était donné de la rejoindre dans un passé qu'elle m'a souvent évoqué et qui, soudainement, prend la consistance du réel !
La porte de fer ouverte, nous découvrons ce qui fut le lieu de vie de ses grands-parents, puis, plus loin, cette pièce quasi sacrée, où l'on n'allait jamais, en dehors des grandes occasions, ou que l'on n'ouvrait que lors de la visite de personnes importantes, comme le Kappillan.... Une pièce soigneusement entretenue, toujours en ordre, qui était à l'époque dotée d'un canapé toujours recouvert d'un drap blanc éclatant !
Ensuite, ce furent les retrouvailles de Joséphine avec la cour intérieure, caractéristique des vieilles maisons maltaises, avec son puits, au fond duquel se trouvait, tapie dans les eaux sombres, une créature maléfique, Belliegha (1), qui attirait à elle les enfants imprudents qui se penchaient pour l'apercevoir... réminiscence du vieux mythe de Narcisse !
Retrouvailles avec l'ange, aussi, que Joséphine enfant se plaisait à embrasser, rêvant peut-être à un "prince charmant qui viendrait l'arracher à une vie qui lui pesait déjà...
Dans les hauteurs, les toits, terrasses prisées des maltais et de leurs enfants, qui leur permettaient (et permettent encore) d'avoir une vue de choix sur la vie des voisins, toujours enviés, pour de multiples raisons, si souvent infondées... Mais c'est la Vie, et particulièrement celle des microcosmes que furent et restent ici nombre de villages : Combien de personnes âgées, voire même de notre génération, ici à Malte, n'ont jamais ou que très peu de fois franchi les limites de leur Bourg originel ? Combien sont-elles encore à n'avoir jamais mis les pieds à Gozo, ou dans quelque lieu de cette île qui n'a pourtant la taille que d'un mouchoir de poche ? (à lui seul, et en tout, l'archipel Maltais couvre seulement un peu plus de 300 kilomètres carrés, soit plus de cent fois moins que la Belgique dont je viens et qui est pourtant réputée n'être qu'un Pays minuscule !) Sans compter qu'ici, et jusque dans les années 50-60, on naissait, on se mariait et on mourait au sein du village, ou du moins de celui de l'épouse, et qu'on cultivait une sorte de chauvinisme rural, qui se traduit encore de nos jours dans la compétition que se mènent les paroisses maltaises au niveau des "Festi" !
Les paroles du "Grand Jacques", le Jacques Brel National de ma Belgique natale s'appliquent particulièrement bien à la sociologie profonde de Malte, qui subsiste encore parmi les gens de ma génération, et surtout chez les "ruraux", lorsqu'il évoque "Ces Gens-Là".... Ce peut être, selon les points de vue, amusant, savoureux ou...tragique !
Sur le premier toit, à l'issue de l'escalier venant de la cour : la "mansarde", une pièce minuscule, bâtie en pierre, comme le reste de la ferme, dans laquelle les parents de Joséphine, Agnès Farrugia et Emmanuel Busuttil, passèrent leur nuit de noce, "sur des matelas de paille", après que se fut déroulé leur banquet de mariage, dans la cour en contrebas...
Plus haut, menant au toit supérieur qui domine la place et duquel on découvre une vue imprenable sur le village, un pallier, bordé en guise de rambarde, de pierres ajourées... Ma Jo redécouvre une de ses joies d'enfance, celle d'y passer sa tête, et d'éclater de rire, prenant l'aspect d'une joyeuse gargouille qui se fond très bien dans l'ambiance mystérieuse du lieu !
Car mystère, il y a, même s'il n'est pas évoqué ouvertement !
Quelle fut l'histoire ce cette curieuse bâtisse ? Sa façade ornée de statues de pierre évoquant la Vierge, saint Joseph et saint Jacques, surtout, flanquée d'un somptueux balcon, sa proximité immédiate avec l'église paroissiale ne peuvent être le fruit du hasard, ni d'une quelconque dévotion de ses habitants : elle évoque un passé plus lointain, qui doit s'inscrire dans l'Histoire religieuse de Malte, voire dans celle, tellement plus lointaine qui fut "récupérée" dès les premiers siècles de notre ère par une Eglise qui se voulut toujours conquérante ! Une histoire à creuser plus avant, dans les archives, et au cadastre, lesquels doivent en conserver des traces....
Sur le pallier du premier toit, une autre pièce, à la porte fermée à clé, dans laquelle un frère de la maman de Joséphine travaillait sur une "machine à écrire", ce qui n'était guère courant à l'époque (années 50-60).
Enfin, de retour au rez de chaussée, nous découvrons une salle, originairement constituée par trois chambres à coucher, comme en témoignent encore les différents carrelage d'origine. (voir photos).
Au fond, à droite, un petit hall donne accès à une minuscule cuisine et surtout au "Magjel", lieu où l'on gardait les ordures, le fumier des animaux et qui, il y a longtemps servait aussi de toilettes pour les humains...
Près de la porte d'entrée, en hauteur de plafond à gauche, dans l'angle, une trappe, donnant accès à un grenier. Enfin, dans la salle de séjour, sous le grand balcon, une autre porte, qui dut être l'entrée principale du lieu, donne accès, directement, à l'église paroissiale, sise juste en face.
Curieuse maison, qui me "parle", comme me "parle" aussi l'histoire de ses habitants, et dont il serait intéressant, une fois encore, de pouvoir retracer l'histoire qui, je le pressens, s'enracine très loin....
Notes :
(1) Belliegha, le nom de la "créature" maléfique, vient du verbe maltais "Tibla'", qui signifie "avaler". Elle était censée 'avaler" ceux qui se penchaient dans le puits... Ce qui rejoint, comme je le souligne, le très ancien mythe de Narcisse. Reste à voir aussi le lien qui pourrait exister, étymologiquement avec "Baal Yah", qui en langage sémitique renvoie au... dieu Baal, connu pour être un "avaleur" de victimes, et surtout d'enfants qu'on lui immolait. Sur ce plan, les origines phéniciennes et carthaginoises de Malte, ainsi que celles, antérieures, de la période (très longue !) des mégalithes, pourraient s'avérer éclairantes. Il est absolument certain, en tous les cas, que ce puits très profond est d'une structure très ancienne, antérieure à celle de la bâtisse actuelle. Se pourrait-il qu'il eut été un ancien lieu de culte païen ? C'est vraisemblable ! Et auquel cas, pourrait-on croire ou penser que la "mémoire des lieux" ait influé sur la psychologie familiale ? Je n'en sais rien, mais j'avoue être troublé... Ce dont je suis certain, c'est que cette piste soit à creuser, ne serait-ce que pour lever un doute.
....A suivre, donc !
Iaacov Demarque
Imposante dans ce petit village, l'église paroissiale, dédiée à la "Vierge".... Ce qui, in fine, en dit long..... Il y avait, avant Notre Dame, une "Vierge", qui régnait ici, au temps des Mégalithes !
Malaise, coup de fatigue.... indicible, mais perçu par Jo, qui m'a demandé : "qu'est-ce que tu as ?".... Un "signe" ?
L
Je croyais avoir mis un commentaire ! tant pis si je me répète ! je voulais vous remrcier tous les deux de ce partage, aussi bien de l'histoire de Jo que de celle de Malte, et de ses superbes maisons et églises, qui me donnent envie de les voir d eplsu près, dès que mes soisn seront finis, ou au moins commençés ! Bisous, V.
RépondreSupprimerMerci à toi Véronique ! Nous serons, Jo et moi, ravis de te faire découvrir "notre" Malte profonde ! Bises de nous deux !
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