Malte, terre des dieux anciens.
Texte et photos (c) Iaacov Demarque.
Au cours des 50 dernières années, cette petite île méditerranéenne - qui n'a pourtant obtenu son indépendance que depuis 1964 et n'est devenue République qu'en 1974, après un long passé de colonisation et de dépendance - s'est largement modernisée. La plupart des progrès ont été réalisés à une vitesse folle et se traduisent par des infrastructures améliorées et des industries développées à l'instar des services financiers, des technologies de l'information et bien d'autres encore. Bien que ces transformations puissent paraître surprenantes pour les nouveaux visiteurs, elles n'ont cependant pas éliminé les éléments essentiels de l'identité culturelle maltaise, bien loin de là !
Coutumes et traditions.
Largement basées sur la religion et le folklore rural, les coutumes maltaises sont toujours omniprésentes dans la vie quotidienne. Le meilleur exemple est sans doute celui des festi. Ces célébrations en l'honneur des saints patrons des villages, débutées il y a 500 ans sous le règne des chevaliers de Saint-Jean, perdurent jusqu'à aujourd'hui, et ce dans une cacophonie typiquement méditerranéenne. La plus célèbre festa est sans aucun doute celle de saint Pierre et de saint Paul, ou Mnarja. Ce temps fort du calendrier culturel maltais est célébré dans la région boisée de Buskett et se distingue par ses expositions agricoles. C'est aussi l'occasion de goûter au plat traditionnel maltais - le lapin - et d'écouter la musique traditionnelle - le għana.
À Malte, on suit les traditions depuis le plus jeune âge. En effet, on baptise la majorité des bébés dans la foi catholique romaine. Cette célébration prend souvent la forme d'une grande réunion de famille et d'amis avec, bien évidemment, une abondance de nourriture. Peu après, généralement au premier anniversaire de l'enfant, les Maltais se soumettent encore souvent à une autre tradition peu connue appelée il-quċċija : une série d'objets est disposée devant l'enfant. La famille et les amis encouragent l'enfant à en choisir un. La tradition veut que l'objet sélectionné par l'enfant soit représentatif de sa future carrière. Ces objets comprennent généralement un chapelet - indiquant une vocation ecclésiastique -, un oeuf dur - symbolisant la prospérité -, mais aussi des objets plus modernes comme une calculatrice - symbolisant une carrière dans la finance.
D'autres sacrements religieux sont célébrés avec le même enthousiasme, comme la première communion. À cette occasion, l'enfant est vêtu de blanc et ressemble à un ange. Cette célébration est toujours suivie d'une fête donnée en l'honneur de l'enfant. La première communion est suivie de près par le sacrement de la confirmation dont la célébration est similaire.
Les mariages constituent de grands évènements à Malte. Récemment, les îles maltaises ont même élargi leurs offres touristiques en en se lançant dans le tourisme du mariage. Néanmoins, le mariage traditionnel maltais se porte toujours à merveille. Bien qu'il ait connu quelques modifications au fil des années, les éléments de base sont toujours respectés: les cérémonies se tiennent dans une église tandis que les fêtes qui s'en suivent sont organisées dans des salles de mariage ou dans l'un des nombreux jardins de l'île. Les mariés distribuent de petits colifichets ou des cadeaux en signe de remerciement à leurs invités. Le repas occupe une place importante dans les cérémonies de mariage, en particulier les confiseries, et on y retrouve généralement des perlini – dragées aux amandes d'origine sicilienne.
Cloches, funérailles et processions.
La mort est aussi omniprésente, dans une population souvent vieillissante, particulièrement dans des villages ou des gros bourgs encore très traditionnels comme Msida. Chaque décès est salué par le tintement lugubre du Glas, Glas qui sonne aussi tous les vendredis à 15 heures, rappelant la mort de Jésus Christ. Les enterrements, s'ils ne sont plus actuellement suivis de pleureuses professionnelles comme c'était encore le cas il y a à peine vingt ans, sont souvent l'occasion de la rencontre de nombreuses familles, toutes vêtues de noir, attendant les condoléances des proches ou moins proches sur le parvis de nos imposantes églises paroissiales baroques, avant de s'engouffrer dans plusieurs Mercedès noires, suivant un corbillard clinquant, et vitré, laissant voir un cerceuil dont la qualité et la facture témoigne pour ceux qui le voient, de la richesse de la famille, de son rang social et surtout de son respect du défunt. Orné d'un immense crucifix de type saint-sulpicien, ce dernier sera ôté et remis aux proches du défunt avant l'inhumation, car pour les Maltais ce serait un sacrilège d'enterrer un crucifix ! Traditionnellement aussi, les proches du défunt se doivent de porter le deuil, et de s'habiller tout de noir, durant une année à dater des funérailles. Une coutume lugubre et déprimante qui, fort heureusement n'est plus guère suivie ! A noter aussi qu'il n'y a pas si longtemps, les proches ne pouvaient cuisiner durant les trois jours suivant le décès ; c'étaient donc les amis, les parents et les voisins qui pourvoyaient à leur nourriture.
En Octobre, le mois du Rosaire, les cloches sonnent à la volée tous les jours à 17 heures, rappelant les Maltais à leur devoir religieux de récitation machinale de cette prière qui résonne alors comme un "Mantra" et traduit plus de superstition que de Foi. Il est fréquent aussi que sorte ce mois la statue de la Vierge Douloureuse, escortée d'une foule de dévots qui la suivent dans les rues, le soir, répétant les formules religieuses diffusée par les haut-parleurs d'une voiture suivant la procession. Effet sinistre garanti, pour celui qui n'est pas habitué à ce genre de manifestation impensable (et généralement interdite !) en Belgique !
Idem durant la période de l'Avent et, surtout, durant celui de la Semaine Sainte, juste avant Pâques, période durant laquelles ces coutumes plus superstitieuses que religieuses atteignent leur sommet !
Bien des Maltais, aujourd'hui, comme pour s'en excuser, disent que ce n'est que du folklore : mais pour les avoirs vécues et observées attentivement depuis près de deux ans, je crois pouvoir affirmer qu'il n'en est rien, et que ceux qui suivent, dévotement, poussant parfois l'outrance à marcher pieds nus et tirant de lourdes chaines, ne pensent nullement être les figurants d'une manifestation folklorique !
Mal-Oeil, sorcellerie et résurgence d'anciens cultes païens, toujours bien "vivants".
Une des premières choses que remarque le touriste qui, à Malte, arpente les quais de nos nombreux ports, c'est la présence, sur la proue de nos "Daighsa" et "Luzzus", d'un oeil peint de couleurs aussi vives que celles de la coque de ces petits ou moyens bateaux de pêche : C'est l'Oeil d'Horus, censé chasser le mauvais sort et préserver les marins lors des "coups de tabacs" ou des "grains" fréquents et souvent très violents, en Méditerranée. Une survivance, sans doute de l'Oeil de Rê, l'oeil "Oudjat" des antiques Egyptien, qui fut transmise ici à Malte, comme d'ailleurs le Culte d'Isis, par les Phéniciens qui furent, après les Siciliens, parmi les premiers occupants de l'Ile, avant de céder eux-même leur place aux Carthaginois puis au Romains...
Les peurs de sorts jetés, par un simple regard, celles de paroles flatteuses prononcées sans la formule finale "Deo Gratias", voire des choses plus secrètes, manigancées dans l'ombre ou colportées par les ragots hantent encore l'esprit de bien des personnes jusqu'à la génération dite "de l'après-guerre", soit celles des années 50-60, et se traduisent par des effets catastrophiques sur le plan de la santé mentale. Elles génèrent phobies, tocs, attaques de paniques qui se développent souvent en pathologies plus graves.
Instinctivement, plutôt que naïvement, ceux qui sont victimes de ces peurs les combattent par le biais des moyens traditionnels propres à leur culture : la paire de cornes bovines ou ovines placées au dessus de l'entrée principale des maisons, qui a remplacé l'éffigie, pourtant encore très fréquente de divinités comme Poseidon, Hera, Zeus ou Neptune, comme celles qui surplombent les portes d'accès de notre maison et qui sont foison dans les rues maltaises. Ou encore par le fait de porter autour du cou une "Hamsa" faite souvent d'un joli travail d'orfèvrerie en argent filigrané, héritage du savoir-faire phénicien. Et pour les moins nantis, il reste la possibilité, dans les moments où ils se trouvent interpelés par une personne "malveillante", de former, des doigts de leur main, placée derrière leur dos, les fameuses "cornes" dont la coutume est toujours aussi vive dans l'ile proche qu'est la Sicile !
Bien sûr, les divers attributs catholiques que sont le crucifix, les images pieuses, les représentations de saints guérisseurs ou protecteurs sont aussi de la partie ! Ne vous étonnez donc pas de les voir littéralement envahir les bureaux des fonctionnaires, les guichets de banque, les salles d'attente des hôpitaux, etc... : ici vous êtes à Malte, hors du temps et des évolutions suscitées par les révolutions européennes !
Il existe dans cette île, du reste merveilleuse et quasi paradisiaque, un vieux fonds de coutumes et traditions attenantes à plusieurs époques prestigieuses de son passé, ancien terroir païen, qui est loin d'avoir dit son dernier mot face à l'invasion chrétienne et au lavage de cerveau qu'ont tenté, depuis des siècles, les prêtres de Rome.
Je compte y revenir dans un prochain article, souhaitant que celui que vous venez de lire aura suscité en vous l'envie d'aller plus loin sur ces chemins tortueux....
Iaacov Demarque
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire